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francis bacon - Page 4

  • Ruine de l'âme

    « Dire que t’Serstevens était journaliste au Monde ! » C’est toujours l’effet que ça me fait quand j’en lis un morceau, je suis saisi par le contraste avec les emmerdeurs publics qui sévissent désormais au journal officiel de la République des Traîtres, entre une réclame pour les soutien-gorge Lagerfeld et une autre pour la dernière turbotraction Luxus.
    Si les chevaliers d’industrie actionnaires du Monde étaient plus malins, ils se contenteraient de reproduire les vieilles piges des années cinquante.

    Voici un petit extrait que Benoît XVI aurait mieux fait de lire plutôt que les niaiseries d’Adorno, Horkheimer ou Heidegger, avant de s’en prendre au classicisme de Roger et Francis Bacon.

    LA SCIENCE DES ANCIENS

    On peut se demander pourquoi les anciens, qui ont somme toute conduit la géométrie à un tel point de perfection qu’on n’y a presque rien ajouté depuis, n’ont pas songé à en appliquer les principes à la mécanique et à doter ainsi leurs contemporains de toutes les inventions qui nous facilitent - ou nous compliquent - l’existence.
    La réponse peut sembler paradoxale : c’est qu’ils ne l’ont pas voulu. Il leur répugnait en effet d’abaisser une science purement spéculative à des applications matérielles qu’ils jugeaient indignes de la pensée.
    Les grands philosophes, les plus grands savants, aiment la science pour elle-même, font des recherches pour découvrir la solution d’un problème, mais ne se soucient nullement de la mettre au service de notre commodité. C’est à grand peine qu’on a amené Pasteur à nous faire bénéficier de ses trouvailles : le principe une fois résolu, son application ne l’intéressait aucunement. Il se montrait en cela un génie digne de ce nom, un véritable philosophe.
    Nous n’avons aucune raison de considérer comme une légende ce que nous raconte Plutarque au sujet d’Archimède (Vie de Marcellus). Il est certain que ce géomètre, pendant le siège de Syracuse par les Romains, a créé, pour défendre sa patrie, des machines puissantes qui empoignaient du haut des murailles les galères ennemies, les secouaient à les briser ou les enfonçaient dans l’eau, projetaient à de grandes distances des pierres du poids de vingt quintaux, incendiaient comme meules de foin, par le secours de miroirs et de prismes, les navires de la flotte romaine. Au tyran Hiéron qui le félicitait, le grand homme fit cette réponse nonchalante :
    - Ce ne sont que jeux de petits enfants…

    Une seule fois, deux disciples de Platon, Architas et Eudoxus, se mirent en tête d’appliquer à la mécanique - on la nommait l’organique - les principes de la géométrie. La réaction fut immédiate : PLaton, nous dit Plutarque, fut courroucé de ce qu’ils corrompaient la dignité de la géométrie en la faisant descendre des choses intellectuelles aux choses matérielles ; et les deux disciples furent chassés de l’Académie.
    Il n’est pas sans grandeur ce dédain des sages de jadis pour les réalisations, je dirais populaires, qui ont mis la science à la portée des plus petits cerveaux. Mais on peut s’imaginer que si Archimède, Empédocle, Platon et d’autres géomètres ou philosophes n’avaient pas interdit à leurs disciples de matérialiser les découvertes théoriques, des villes comme Athènes et Alexandrie auraient eu, vingt siècles plus tôt, l’éclairage électrique sur l’Acropole, des tramways autour du phare, des hydravions dans leurs ports, des séances de cinéma sur l’agora.
    Car ce sont jeux de petits enfants…

    A. t’Serstevens, Escales parmi les livres

  • Triste Tropisme

    Deux manières de comprendre le roman populaire de Pierre Boulle, La Planète des singes. Au premier degré, on peut le prendre pour un roman de science-fiction évolutionniste. Dans ce cas il faut plutôt le rattacher à Lamarck qu’à Darwin, étant donné que Lamarck postule le premier l’hérédité des caractères acquis, c’est-à-dire une évolution dépendante de critères sociaux ou politiques, qui amène chez Boulle les singes à se raffiner.
    L’hérédité des caractères acquis est aussi chez Darwin, pour la simple raison qu’il emprunte largement le principal de sa théorie à Lamarck ; mais les néo-darwiniens, en revanche, ont abandonné l’hypothèse lamarckienne d’hérédité des caractères acquis. Et ce n’est pas un hasard.

    À y regarder de plus près, Pierre Boulle, lui, contrairement à Darwin, postule plutôt l’idée d’une régression de l’homme vers le singe. Une hypothèse plus séduisante de mon point de vue créationniste. Je tiens Finkielkraut ou François de Closets, par exemple, pour des prototypes d’hommes-primates. Ils gesticulent, leurs jambes s’agitent, leurs mains tournoient, fouillent à la recherche d’un pou ; Surtout, ils émettent des sons mais ils ne disent rien. Si la fonction crée l’organe, comme croient certains, bientôt ils ne parleront plus.
    Plus rationnellement, il faut faire le distinguo entre la politique-fiction d’un côté - Pierre Boulle -, et la science-fiction - Darwin, de l’autre.
    La vertu de ce roman, La Planète des Singes, c’est qu’il révèle le caractère anthropomorphique de la prétendue “science” darwinienne.
    Quand un créationniste yanki attaque l’évolutionnisme, il le fait au nom de la religion, de la Bible. Un créationniste français, lui, c’est au nom de la SCIENCE qu’il attaque les superstitions néo-darwiniennes (Le démocrate-chrétien, lui, ne dit rien, il subit, se contentant de vagues discours moraux.)

    *

    Pour comprendre que le néo-darwinisme n’est pas une science mais une religion, pour être plus précis un “moralisme”, ça demande juste un peu de bonne foi et un peu de liberté. Un effort pas si bénin par les temps qui courent.
    Un moyen de preuve simple, c’est de feuilleter un bouquin de l’évolutionniste Pascal Picq : on constatera qu’il n’est pas question de science mais de morale laïque.
    En gros l'évolutionnisme néo-darwinien remplit dans la religion laïque la fonction des mythes grecs, de L’Illiade et de L’Odyssée dans la religion païenne gréco-romaine.
    La preuve ? La preuve c’est que les créationnistes yankis et les évolutionnistes du monde entier se livrent une guerre de religions. Sur l’hypothèse scientifique, les créationnistes yankis et les évolutionnistes sont d’accord. C’est sur le mythe qu’ils divergent. Pour les néo-darwiniens, il n’y a pas de finalité, tandis que pour les créationnistes protestants, il y en a une, mais les uns comme les autres sont incapables d’apporter la preuve de ce qu’ils avancent. Même l’hypothèse de l’hérédité des caractères acquis de la science lamarckienne n’est pas infirmée par les hypothèses néo-darwiniennes. Il n’est pas prouvé que l’ARN-messager “encode” l’ADN de façon illogique.
    Le rejet de la science lamarckienne par les religieux néo-darwiniens est également probant. Pour le néo-darwinien F. Jacob, la Bible est entachée de lamarckisme (!?).
    On peut même distinguer la religion laïque “jacobine”, son grand-prêtre Richard Dawkins (ou F. Jacob, J. Monod), de la religion laïque “réformée” et son grand-prêtre Stephen J. Gould.
    Si Lamarck est l’héritier du matérialiste Francis Bacon, Darwin est l’héritier de l’idéaliste E. Kant, et les néo-darwiniens de Karl Popper.
    Si l’on prend le cancer au stade de la métastase, c’est-à-dire au “stade Popper”, on touche du doigt le néant scientifique ; à force de superposer des syllogismes, Popper parvient à postuler l’idée de causalité et à nier l’idée de but simultanément, ce qui en fait sans doute un des esprits scientifiques les plus bêtes que l’Occident ait connu. La recherche scientifique, avec Popper, se résout à une morale. “L’important c’est de participer”. Karl Popper est le Pierre de Coubertin de la science.

    *

    Je me permets de faire observer aux esprits vifs qui m’ont suivi jusque-là que la faille de l’épistémologie de Popper, on la retrouve chez le fondateur de la religion laïque, à savoir l’athéologien Ludwig Feuerbach, qui, en même temps qu’il détruit systématiquement la religion protestante réformée, détruit la nouvelle religion laïque athée qu’il pense fonder sur le roc.
    On peut appeler ça “l’effet-miroir”. De mon raisonnement simple découle la supériorité du mythe grec païen sur le mythe néo-païen. Et découle aussi la supériorité de la politique-fiction de Pierre Boulle sur la science-fiction de Darwin. On peut même dire que le boullisme est un humanisme.
    Bien sûr, si vous dites que vous êtes “boulliste” plutôt qu’évolutionniste, ça fera ricaner les bobos autour de vous. Mais, comme on dit, “les singes hurlent, la science passe.”